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Amor de mis Amores...

dimanche 12 juillet 2020, par Cronopio

Ce papier, est un extrait d’un papier plus long écrit au lendemain des douloureuses journées qui ont suivi la mort de Patrick le 12 juillet 2000. 20 ans après, la tristesse revient toujours lorsqu’on évoque le départ de ce frère qui a marqué à jamais mes rapports à la musique, à l’amitié et à cette Ardèche devenue un haut lieu de notre géographie affective.

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Juin 1980 : avec Patrick au mariage de Paul le Saux

Mais...qu’est-ce que je fous au Chili ?

La question, pas vraiment nouvelle, me tomba dessus pendant « La Foule ». La vieille valse chantée par la Piaf que François Parisi et son accordéon honoraient d’une improvisation que celui dont nous venions de déposer tout en haut de la Vallée de Thines, le corps vaincu par le cancer, aurait qualifié de “chorus d’enfer”. Dans sa version originale, Que Nadie Sepa mi Sufrir était un pilier du répertoire que Patrick et moi avions mis au point pendant les dix années passées à faire de la musique ensemble. À deux, autour de la table, où sur scène avec la Typical Rural Band.

En ce 12 juillet 2000, 11 ans après notre dernier “gig” du 3 août 1989 sur la Place des Vans, j’étais de retour en Ardèche parmi tous ceux que Patrick avait convoqués une dernière fois. Après une cérémonie religieuse agrémentée de guitares à la Django et d’une valse qui donna à la sortie de l’église des allures de bal musette, la longue caravane d’orphelins l’accompagna vers le petit cimetière haut perché où l’attendaient Serge, son père, et surtout Lolotte –sa femme- morte elle aussi en Ardèche, un jour de juillet. Puis, nous étions redescendus chez Marius, au Fil du Chassezac, l’auberge où nous avions souvent partagé une partie de pétanque et un pastis.

Histoire de nous sentir moins seuls, avec force guitares, accordéon, saxophone, cuillères et autres ustensiles, nous avions alors chanté, porté des toasts et pleuré une bonne partie du répertoire. Dont La Foule au milieu de laquelle était tombée la fameuse question.

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Juillet 2000 à Les Vans : avec Diego et Alexandre Tandin

Trois jours plus tôt, à Santiago, l’hiver chilien était tout à sa grisaille de juillet lorsque vers cinq heures de l’après-midi, le téléphone avait sonné à mon bureau de la Telefónica, la boîte où nous travaillions ensemble avec Sabina. C’était Diego, mon fils, qui m’appelait de Paris où il était parti vivre un an plus tôt.

“Papa, ça t’emmerde si je change d’avis ?” m’avait-il demandé un jour de 1999. L’avis qu’il désirait changer était celui auquel il s’accrochait depuis longtemps : son retour en France, si retour il y avait, ce serait pour plus tard. Il y avait des choses qui, malgré les difficultés, il tenait à faire au Chili. L’affaire Pinochet et surtout les incroyables réactions de quelques leaders « démocratiques » chiliens lui avaient donné envie d’avancer son retour en France. Pour des raisons relativement semblables, Antonia, ma fille aînée, a fait de même peu de temps après.

Ce 12 juillet-là, au téléphone, après son rituel “Salut Pa”, il m’a dit sans fioritures : “Patrick est mort”. Il a pleuré, j’ai pleuré, nous avons pleuré ensemble à plus de 11000 kilomètres de distance. Sans hésiter, je pris sur le champ la décision de partir pour être une dernière fois aux cotés de ce frère rencontré 21 ans plus tôt. Le lendemain, jeudi 13, je prenais donc l’avion pour Paris et vendredi soir, nous partions tous les trois en voiture en direction de Les Vans. 645 kilomètres de route dans une nuit un peu hallucinée par la tristesse, la fatigue et, par moments, les feux d’artifices qui marquaient les dernières heures des fêtes du 14 juillet.

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Juillet 2000 à Les Vans : Avec Jean-Pierre Tandin et Marcel Edouard, l’un de mes frères ardéchois.

No te asombres si te digo lo que fuiste….

C’était la fin des années ’70. « Toi tu t’entendrais bien avec mon frère », m’avait dit un jour Jean Pierre Tandin, directeur commercial du Cercle de la Librairie, une boîte où j’avais trouvé un job de comptable. Le fait d’être Chilien et branché musique avait attiré l’attention de ce “jeune cadre dynamique” avec qui nous étions partis un jour acheter des guitares au Salon de la Musique du Parc Floral de Vincennes. J’avais grand besoin de remplacer ma vieille Tizona chilienne, (mal) recollée après un drôle d’accident de parcours qui à failli la faire taire à jamais.

Lors d’un dîner à Alfortville (notre première résidence française), armés de nos jouets tout neufs, Jean Pierre et moi avions enchainé Te recuerdo Amanda de Víctor Jara et Mon pot’ le gitan d’Yves Montand, Hasta Siempre de Carlos Puebla et la Complainte du Phoque en Alaska, de Beau Dommage. En fin de Jean Pierre avait lancé, péremptoire, « il faut absolument que tu rencontres mon frère. »

Ce qui fut fait peu de temps après chez Philippe Margerit, un ami et voisin de Patrick à Saint-Ouen. Philippe habitait un peu plus loin, sur la rue des Rosiers, juste au dessus d’un bar de gitans dont, ça de va de soi, ils étaient des habitués. C’est donc chez Philippe qu’un soir d’avril 1979, autour d’un inoubliable ragoût de mouton, se produisit la rencontre tant espérée. On fit d’abord la connaissance de Claude, l’adorable Lolotte, compagne du fameux frère qui arriva vers la fin du repas. Lorsque nous avions déjà qu’ils avaient un Antoine qui avait l’âge de nos enfants et un endroit magique appelé La Lichère qu’il fallait absolument connaître.

Dire qu’il y a eu coup de foudre entre Patrick et moi ce serait peut-être exagéré. En tout cas, nous nous sommes très vite rendu compte que notre rencontre relevait de l’évidence même. Que "ça coulait de source" aurait dit Lolotte.

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Juin 1979 : Avec Patrick à la Fête du PSU à Chelles.

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